Généalogie du fanatisme

L'avertissement de Cioran.

11/13/20231 min read

black smoke emitting from fire on road in front of Police wearing headgear during daytime
black smoke emitting from fire on road in front of Police wearing headgear during daytime

Sera-t-il encore possible d’user de certains mots sans être soupçonné d’appartenir à un camp contre un autre ?

Si on dit : "quand l’Homme projette ses démences dans l’Idée -quelle qu’elle soit, que son besoin de fiction l’emporte sur l’évidence comme sur le ridicule, le passage de la logique à l’épilepsie est consommé, ainsi naissent les idéologies, les doctrines et les farces sanglantes" ; parle-t-on en pessimiste et défaitiste ?

Si on voit dans l’histoire : "un mélange indécent de banalité et d’apocalypse où les certitudes abondent, un défilé de faux absolus" sécrété par ceux "qui transforment leur idée en simulacre de dieu, disposent d’une vérité, de leur vérité, et qui agissent en son nom ou de ses contrefaçons, l’inscrivent en dogme et désignent des hérétiques" ; parle-t-on en rationaliste et en dogmatique autrement ?

Si on perçoit dans ceux qui veulent séparer "un nous des autres" : "la similitude entre les tyrans criminels et les martyrs, de ce qui justifie de mettre les peuples à la torture" ; parle-t-on en indifférent ?

Si on s’interroge : "en défendant l’existence du doute en même temps que le droit à la sûreté" ; est-on seulement sceptique ?

Si on dénie aux fanatiques : "le droit de nous interdire de vivre en deçà de leurs vérités, de nous imposer leur hystérie et de nous défigurer" ; fait-on seulement un refus de parti pris ou exerçons-nous notre légitime défense ?

Pourtant c’est cette mise en garde sur la "Généalogie du fanatisme" que E.M. Cioran a exprimée déjà en 1947 dans son introduction au "Précis de décomposition" après qu’il ait vu l’Europe assister aux assassinats collectifs initiés par des régimes totalitaires.

M. G.